Souvenirs D'enfance

Publié le par Captain Ben

Souvenirs d’enfance

Je me rappel cette vieille maison en pierre abandonnée, au coin de la rue de mes grands-parents chez qui tous les étés je passais un mois en vacance. Avec les copains du quartier nous l’avions baptisé la maison magique, car c’est ce qu’était cette ruine à nos yeux.

Elle trônait au fond d’un terrain vague envahi par la chélidoine et les chardons avec des carcasses d’électro-ménager éventrées et rouillées qui disparaissaient dans ce cadre, deux machines à laver gros tambour, quatre frigo, une antique machine à coudre, un tricycle sans roues ni roulettes, une étagère métallique gravée des quatre lettres SNCF ainsi qu’une vieille Renault 18 sans vitres ni portières. Nous étions 6, aventuriers inter-cosmique sans peur ni frontières : Paul, le fils du boucher, qui était roux avec plein de taches de rousseur et des yeux marrons, Martin le fils des boulangers, grand et maigrichon les dents en avant toujours à se marrer, Jean-Baptiste dit Jib qui venait en vacance comme moi, on avait la même taille et étions brun tous les deux si bien qu’on nous prenait pour des frères, Christian, le chinois dont les parents tenaient la quincaillerie du quartier et qui avait un œil noir et l’autre marron, du coup c’était toujours le méchant et il s’en foutait, et la belle Coraline, fille de l’instituteur et de la buraliste, nous en étions tous secrètement amoureux avec ses grands cheveux qui cascadaient dans son dos, ses robes à fleurs et ses sandalettes bleues, et son visage d’ange qui s’illuminait quand éclatait son rire cristallin.

Voilà de qui était composée notre groupe de guerriers chevronnés, et je ris tout seul en me remémorant nos aventures dans cette maison pleine de graffitis avec les portes qu’on avait bricolés pour qu’elles tiennent à peu près sur leurs gonds, et les grands du quartier, d’ailleurs, étaient assez cool pour ne pas les casser à chaque fois et nous laissait jouer dedans, nous « les petits », sachant qu’ils l’aurait pour eux toute la nuit. Le clocher sonnait les matines, et à 9h c’était le regroupement pour partir en expédition, une nouvelle destination si nous avions terminés la veille, ou sinon nous continuions là où nous avions arrêté. Nous faisions un conciliabule pour savoir où nos chefs d’état secret nous envoyaient, ce qui donnait plus ou moins ceci, transmit par notre chef d’escouade Paul :

-« Bon, le grand chef a parlé d’exploration de Vomitik la planète puante, c’est donc une mission dangereuse. Il faut 5 volontaires et j’ai pensé à vous. Ils m’ont dit avoir besoin d’un grand à la force incroyable et qui a un super pouvoir, Martin j’ai pensé à toi et tes grandes dents (pfff pov’ con, marmonnait ce dernier en se marrant), deux jumeaux, Jib et Ben, un traitre qui voudra tous nous manger, Christian c’est pour toi (ben ouais, comme d’hab quoi) et une jolie fille qui fera semblant d’aller avec l’ennemi et qui au dernier moment reste avec nous, Coraline si tu veux bien, et enfin votre chef intrépide, sexy et plein de muscles, moi. »

Là nous protestions tous en nous bidonnant et lui faisait semblant d’être vexé et de devoir nous apaiser à grand mouvements de bras, mais lui aussi se marrait. Pourquoi Paul ? Parce que son père croyait aux Martiens et qu’il lui achetait des magazines de grands qui parlaient de vaisseaux spatiaux et de conquête de l’espace, et que ces conneries avaient développée chez lui une imagination hors du commun, à savoir aussi que son grand frère et son père lisaient ces magazines et qu’ils parlaient pendant les repas de tous ces trucs, que Paul nous faisait vivre en direct le lendemain pour notre plus grand bonheur.

On avait chacun un truc ou deux pour se défendre. Paul avait le vieux sèche-cheveux de sa mère qui lui servit de pisto lance missile laser avec grenades d’invisibilité intégré, Martin avait un plastron en carton « Feudor » que sa mère lui avait agrafé, anti-balle, anti-explosion et qui le protégeait des rayons ennemis, ainsi qu’un lance-pierre qui tirait des balles super sonique. Jib avait un arc avec une ficelle à poulet que son père lui avait fait, ainsi que des flèches presque droite qu’il envoyait de traviole à 10m et qui nous servait de grappin pour relier les précipices, de lance câble et de système de communication intersidérale. Moi j’avais un vieux masques de plongée à mon grand-père, les rats avaient bouffé tout le plastique, et qui était un masque à diffraction de la lumière qui voyait la nuit, sous l’eau, à travers les murs et les vaisseaux ennemis pour repérer leur point faible, et il m’arrivait en de rares occasions de pouvoir recevoir des informations quant à la composition de l’air selon la créativité de notre chef d’escouade.

Coraline avait un couvercle de poubelle qui était un miroir magique réfléchissant tout et une antenne de 2CV qui était son sabre laser qui découpait n’importe quoi comme du beurre. Quant à Christian il avait un bout de bois en forme de fusil qui lui servait de lance fléchette endormante et de révélateur de secrets, dont il se servait autant sur nous que sur l’ennemi et des sandales en plastique grâce auxquelles il pouvait marcher la tête à l’envers et devenir invisible quand il s’accroupissait. Nous les garçons avions tous un béret casque anti n’importe quoi, et Coraline, avec ses cheveux blonds avait un casque en or massif impénétrable, et puis de toute façon l’ennemi ne s’en prenait jamais à sa belle chevelure, sinon elle griffait et mordait comme une furie, ce qui décourageait l’adversaire.

- Tout le monde est prêt ?

- Oui, armes rechargées, nous avons faits les courses et bien mangés.

- Parfait, nous allons prendre place à bord de notre vaisseau.

Là nous nous dirigions vers la Renault 18, c’est moi qui prenais le volant grâce à mon masque de vision, puis déclarais :

-Réservoirs plein, stabilisateurs et équaliseurs opérationnels, tout le monde à sa réserve de speed supe sonique ?

-Oui comandant !

-Ok attachez vos ceintures, je mets les rotors en marche.

Les ceintures étaient de vieux bouts de ficelles attachés avec des épingles de sureté au vieux tissu bouffé par les mites, et pour les manœuvres j’appuyais sur les boutons du vieil autoradio et tournais les molettes du chauffage. Je faisais alors le bruit du moteur avec ma bouche avec Martin et Jib, Paul commençait le jeu et nous suivions son délire :

-Ok je viens d’avoir la base et nous faisons un bon cap sur Vomitik, qui se trouve à 3 millions de milliards d’années lumières, vers la constellation des vécés puant. Notre mission sera de contacter par radio les Martiens qui vivent là-bas pour devenir copain et faire des échanges de marchandise. Nous avons à bord des sucettes au coca, des oursons guimauve, un paquet de bille et deux chewing-gums à la fraise que Christian cache toujours dans sa poche pour sentir bon de la bouche…

-Ehh comment tu sais ?!

-J’ai installé un robot espion chez toi et je connais toutes tes habitudes.

-Même pas vrai.

-Tu veux que je raconte le rituel du pyjama le soir ?

-Euh non, c’est bon je te crois.

-D’après les renseignements, les martiens possèdent des armes qui tirent des fraises tagada et des micro-ondes qui font des tartes tropéziennes, des éclairs à la vanille et des gâteaux au chocolat. Ils ont des rivières de caramel et des fontaines de citronnade. Notre mission est d’échanger nos bonbons contre leurs inventions révolutionnaires et de devenir les rois des bonbons sur terre. Aventuriers, vous avez compris ?

-Oui chef !

-Comandant, les informations ont été données, où en sommes-nous ?

-Nous allons traverser la dernière couche de l’atmosphère terrestre, attention ça va secouer !!

Là on se mettait à trembler dans notre carcasse, et les vieilles du quartier nous regardaient en souriant, tout en promenant Mickey, Fripouille et Kiki, les affreux pékinois que tout le monde détestait.

-Ca y’est, la zone de risque est derrière, nous avons réussi. Notre vitesse actuelle est de 294671km/h, et il nous faudra 3000 ans pour atteindre Vomitik. Il est temps d’utiliser le speed ultra-sonique. Qui est le premier à se lancer ?

-Moi, dis Jib, donnez-moi la bouteille.

Je lui passais alors religieusement la bouteille de limonade dont il buvait deux ou trois gorgées, puis la bouteille toujours ouverte il nous disait :

-Accrochez-vous ça va secouer !!

Et là il rotait, ce qui nous faisait hurler de rire car il était le meilleur, nous propulsant vers l’avant.

-Woaaa c’est dur de garder le contrôle, que je me mettais à dire en m’agitant derrière le volant les bras tendus. Nous avons passé 100 murs du son et avançons à la vitesse de Mach 1000 ! Nous serons dans 2min17 sur Vomitik les amis.

-Hourra, vive le commandant de bord.

-Merci merci, mais oh la la, regardez, j’aperçois Vomitik.

-Nous on voit rien à cause des nuages de gaz, me disait Paul.

-C’est à cause de mon masque, que j’enfilais et grâce aux rats qui avaient bouffés le plastok je ne parlais pas du nez. Il y a trois couches de gaz, la première orange qui sent le vomi, la deuxième toute grise comme à la maison de retraite et la troisième verte qui sent le prout !

Les copains rigolaient et seule Coraline s’exclamait :

-Beurk, z’êtes dégoutant les garçons.

-Attention nous allons atterrir dans 5 secondes et début du compte à rebours :

-5…4…3…2…1…Zéro !!

-Enfilons les masques à gaz, dehors ça sent mauvais.

On remontait nos t-shirt sous le nez et pouvions dès lors explorer ces terres gazées.

-Christian tu deviens un martien, annonçait Paul.

-Ça marche, et comme d’habitude il se faisait des traits jaune sur les joues avec la chélidoine et prenait place dans une des carcasse du terrain, le plus souvent dans le grand frigo rouge.

-Ok, nous pouvons descendre à terre avec nos armes. Martin tu porteras les sucettes, Jib les ours à la guimauve, Ben les billes et moi j’aiderai Coraline.

Nous râlions un peu pour le jeu, histoire « de fomenter une mutinerie » comme disait Paul, personne savait ce que c’était exactement, mais en gros c’est quand un équipage râle contre le chef, c’est son père qu’avait dit, ça devait être vrai du coup.

-« Notre vaisseau intersidéral galactique de la voie lactée vient de poser un pied sur la terrible planète Vomitik », racontait Martin en parlant dans un combiné de téléphone pour enregistrer notre périple, car nous avions besoin d’un journaliste avec nous, et qu’avec ses grandes dents tout le monde le trouvait bien dans le rôle, qu’il prenait avec beaucoup de sérieux d’ailleurs. «L’odeur de prout est insupportable mais notre belle Casque d’or, grâce à son parfum nous protège contre cela !

Cette dernière rougissait du compliment, et avec les années il était clair qu’elle éprouvait un quelque chose pour ce grand maigrichon car il la faisait tout le temps rire et nous on étaient jaloux mais on pouvait rien faire.

-Aventuriers en ligne derrière moi, nous allons avancer doucement au milieu de cette jungle étouffante où grouillent de terribles animaux et de dangereux reptiles.

A quatre pattes on avançait derrière Paul parmi les chardons, la chélidoine et du myosotis en faisant fuir les pauvres lézards qui mangeaient les fourmis et qui se chauffaient au soleil.

-Notre progression se fait lentement, car la terrible végétation pique et coupe, notre chef est devant comme ça c’est lui qui meurt en premier…

Nous on se marrait tous, mais Paul, pour le jeu :

-Chut sinon nous allons être découvert par les martiens avant d’avoir pu les observer. Regardez droit devant, une maison martienne.

Il pointait du doigt le grand frigo où on entendait Christian rigoler car il nous préparait toujours un nouveau truc pour faire le martien, mais ce u’il faisait le mieux c’était le marchand, comme ses parents. En plus il prenait son accent chinois ou parlait en chinois. Christian c’était le meilleur extra-terrestre et c’est pour ça qu’il s’y collait à chaque avec plaisirs. Nous le regardions installer un stand invisible avec ses marchandises et faire la conversation en chinois avec ses clients, et nous pendant ce temps-là :

-Les martiens parlent une langue inconnue, il faut observer et voir s’ils sont dangereux ou pas.

-Regardons aussi ce qu’ils mangent pour les inviter à un repas.

-Je suis sûre qu’ils aimeront mes tartes de boue aux cailloux avec de l’herbe dessus et des points jaune, disait Coraline. Tous les martiens en raffolent, je l’ai lu dans un livre de cuisine galactique. Et je lui préparerai mon sirop de jus de plante au sirop de boue, c’était aussi dans mon livre.

-Super idée de notre demoiselle, alors aux fourneaux du vaisseau.

-Notre chef macho vient d’envoyer la princesse aux cheveux d’or nous cuisiner des spécialités martienne, j’ai hâte de goûter à çà, enregistrait notre journaliste.

Coraline montait dans le coffre de la Renault car c’était la cuisine de notre vaisseau, avec de la terre, des cailloux, de l’herbe et de la chélidoine et crachait dessus amoureusement pour que le tout colle.

-Ben lance une bille pour voir la réaction du martien.

Je lui envoyais alors une bille et Christian arrêtait de parler et selon son humeur du jour il s’intéressait aux billes ou pas, aujourd’hui n’était pas le cas.

-Le martien se fiche de la bille, Jib envoie un ours !

-Un soldat vient d’envoyer un ours à la guimauve, le martien semble intéressé, que va-t-il dire en découvrant les gâteaux de Casque d’or ?

-Mais qui être cette petite chose marron avec blanc dedans ? Moi martien pas connaître choses si bonnes, moi vouloir plus.

-Jib envoie-en un autre !

-Oh une deuxième chose. Moi ami, montrez-vous, moi avoir choses qui intéressent vous.

-Le martien dit qu’il est prêt à faire des échanges. Contactez le vaisseau pour savoir si les gâteaux sont prêts.

-Bien chef ! Allo vaisseau, ici Martin. Le martien semble intéressé par la nourriture, les gâteaux sont prêts ?

-Ici vaisseau central, j’ai réglé le four à 3000°, dans 10s les gâteaux seront cuits et je vous rejoints.

-Parfait. Chef, Casque d’or a ?

-Super, qui a un drapeau blanc ?

-Moi

-Bien soldat, vous allez montrer le drapeau blanc…

-…comme ça ?

-Oui très bien.

-Voici les deux gâteaux chef.

-Parfait. Bien, allons-y, suivez-moi.

-Nous avançons vers le martien avec nos provisions.

-Martien nous voilà. Nous amis. Nous vouloir faire échanges.

-Moi aussi ami. Moi vouloir chose petite et marron vous avoir.

-Nous vouloir manger en échange.

-Moi posséder pistolet tagada, four magique à gâteaux chocolats et transmutatteur bouillasse crème chantilly.

-Nous vouloir échanger petite chose marron contre pistolet tagada. Nous posséder sucettes coca et vouloir échanger contre four magique.

-D’accord pour échange.

Puis nous mangions tous ensemble les bonbons assis dans le frigo, dans la Renault ou sur son toit cabossé par nos petites fesses. Parfois nous ne jouions que dans la maison, troupe d’assaut de guerriers assoiffés de sang vert, bleu, noir ou rouge selon notre terrible ennemi. Chaque porte changeait de destination et ouvrait sur un nouveau monde imaginaire.

Fin

Histoire écrite sur le bateau Iquitos/Yurimagua au pérou le 9 février 2016

Musique écoutée : FairyTails soundracks, Manegarm et Arkona

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